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La magie des Roye
Châteaubourg est un minuscule village, rive droite du Rhône, à proximité de l'embouchure de l'Isère, qu'on pourrait traverser en coup de vent. Silence et calme plat. Seule la masse grise du château et son donjon, qui semblent toujours narguer l'autre rive, pouvaient retenir l'attention. Les temps ont changé. Avec ses bâtiments modernes et sa rotonde plantés à proximité de la nationale, le domaine Courbis, en expansion constante depuis la fin des années quatre-vingt, est désormais l'emblème vivant de Chateaubourg. Et entre les Courbis et la vigne, l'histoire dure depuis des lustres. Il y a plus de quatre siècles que cette famille a lié son sort au vin, quatre siècles sans lâcher prise, sans briser le fil.
Aujourd'hui, avec Laurent et Dominique, le domaine poursuit une révolution que leur père, belle allure de patriarche, observe discrètement, avec jubilation. Oui, ses fils, ceux que tous appellent " les frères Courbis ", n'ont pas fait les choses à moitié. Dans la foulée de tous ces grands vignerons rhodaniens qui ont su prendre le train en marche, les Courbis ont tout remis en jeu. Ils ont défriché les plus beaux coteaux alentours, acquis une à une les plus belles parcelles, respecté au mieux la liberté un brin sauvage de leur terroir, et totalement modernisé (ou créé de toute pièce) l'ensemble des chais de vinification et d'élevage. Une renaissance. Résultat : vingt six hectares dont vingt en appellation Saint-Joseph et cinq en Cornas, cent mille bouteilles bon an mal an, et une réputation qui s'est propagée bien au-delà de la vallée.
Dominique, discret, attentif, file dans les vastes chais de béton enfouis dans le sol. Il adore les contacts, les rencontres ou les dégustations avec ces clients fidèles qui assurent encore un bon quart des ventes. Mais il préfère encore la pénombre et le silence, là où les vins reposent en paix. Le porte-parole du domaine, c'est Laurent, qui est aussi le maire de la petite commune. Un homme public, oui, mais à l'ancienne, à l'image de ces élus du monde rural qui connaissent d'instinct tous les secrets de leur minuscule planète. Il a appris à naviguer très tôt, capable d'écouter, d'observer, de dialoguer, sans jamais se départir, même par gros temps, d'une sérénité qu'il impose de sa voix douce proche du murmure.
Dans cette étourdissante décennie, les Courbis n'ont pas affronté seuls les éléments. Leur rencontre avec Rhône Vignobles a joué un rôle-clé. Ce groupe leur a donné la force d'aller jusqu'au bout de leur métamorphose.
" On n'est ni concurrents, ni rivaux, au contraire. On a appris et on a grandi ensemble, bien au-delà du seul cadre professionnel " résume-t-il. Oui, à la manière d'une tribu d'abord informelle et qui, au fil des ans, s'est découvert une cohérence, une identité. Et si Laurent Courbis a hérité du titre de président de l'association, ce n'est pas par hasard. Sans un mot plus haut que l'autre, regard aux aguets sous l'écran des lunettes, Laurent Courbis est un vrai diplomate, un fédérateur. Et d'abord un vigneron.
On laisse au loin la silhouette massive du château, et la voiture se hisse sur les hauteurs. Toutes les parcelles sont proches les unes des autres, posées à flanc de collines, mais, à elle-seule, l'enclave des Royes pourrait résumer l'œuvre accomplie. Sur six hectares en pente abrupte, orientés plein sud à la lisière de Cornas, les Royes, accent déjà méditerranéen, dessinent un somptueux patchwork viticole. Un vallon argilo-calcaire consacré surtout à la syrah et qui livre quelques-uns des bijoux de la maison, notamment ce Saint-Joseph rouge d'une infinie noblesse. Vallon magique...
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