Y a d'la joie !
Laurent Combier a une manière bien à lui de pencher la tête sur le côté, de vous regarder bien en face et de vous décrocher un sourire ravageur, un sourire à balayer d'un coup les états d'âme, les petits blues ou même ce ciel gris et poisseux qui plane ce soir aux portes de Valence. Il est ainsi Laurent Combier. Sourire au vent et bonheur contagieux, grand ouvert aux rencontres, à la vie, qu'il a décidé d'arpenter avec boulimie, avec gourmandise. Alors, oui, forcément, il doit avoir aussi ses inquiétudes, ses doutes intimes. Mais on le sent tellement bien dans sa peau, dans son métier, qu'on a quelque peine à l'imaginer boudeur ou replié sur lui-même.
Vous voulez visiter son repaire, haut-lieu de l'appellation Crozes Hermitage ? Allons-donc, c'est porte ouverte. Vous êtes ici chez vous, dans ces vastes chais ultra-modernes, clairs et fonctionnels, qui bordent avec orgueil la nationale 7 entre Pont-de-l'Isère et Valence. Ca brille, ça embaume, ça respire la propreté, le travail de vinification au cordeau, aux petits oignons. Et maintenant, cap sur la vigne, là-bas, au-delà des grands vergers de pêchers, d'abricotiers, qui courent dans la vaste plaine rhodanienne. Ici, tout est relié au fleuve, et cette terre d'alluvions où roulent les galets est, depuis l'antiquité, un don du Rhône. Il gare le tout-terrain en trombe près d'une haie à l'ancienne, désigne d'un geste la parcelle magnifique, constellée de vieux plants de syrah. Le Clos des Grives. C'est le joyau du domaine, le socle magique sur lequel lui l'autodidacte, le paysan malicieux, l'homme enjoué, a patiemment embelli son port d'attache, et qui continue à délivrer en douceur des millésimes au bouquet flamboyant.
Quand Laurent Combier a succédé au père, très tôt, et tout en souplesse, il ne s'est guère posé de questions. Il a foncé sabre au clair, héritier d'une exploitation mais aussi d'une philosophie. Ici, bien avant qu'elle soit à la mode, la culture bio a été spontanément mise en place. Comme une évidence. Et quand il s'est aventuré vers des vinifications de plus en plus élaborées, de plus en plus maîtrisées, Laurent Combier disposait de vignes en pleine santé, au sommet de leur forme. Le Crozes Hermitage (pas plus de 15 % de roussanne ou de marsanne tolérés face à la syrah) était alors un vin peu connu, rarement estimé, et il s'est jeté dans la bagarre tout sourire, toute énergie déployée, bien décidé à imposer son nom, son style. A l'arrivée, il y a ces vins subtils qui évoquent tour à tour le velours, le fruit charnu et, c'était couru d'avance, une sorte d'exubérance.
Et tout lui a réussi. Jusqu'à cette rencontre avec les " potes " de Rhône Vignobles qui est devenu au fil des ans " l'une de ses plus belles histoires ". Il en deviendrait presque grave, Laurent Combier. Transformé. " Tu sais, dans ce groupe-là, tout le monde bosse dur pour rester au niveau, et pour progresser encore, au risque d'être oublié très vite, et de ramer. Quand tu sais que tu peux tout partager avec des gens qui te ressemblent, qui ont les mêmes ambitions, les mêmes valeurs, ça te donne une force pas croyable ". Mais il y a plus encore. Il y a bien sûr cette aventure en Priorat, ces vieux grenaches et carignans débusqués avec Peter (Fischer) et Jean-Michel (Gerin), et qui lui font lever les yeux au ciel. Il en a la voix qui tremble. Il cherche ses mots et l'émotion le gagne. " Ce que je vis avec ces deux-là ça ne se raconte pas, et le vin qu'on va sortir là-bas c'est le vin d'une folie". Un sortilège espagnol...
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